Le bilan carbone des départements et régions d’Outre-mer est désastreux. Il serait même l’un des pires mondiaux, estimait Ericka Bareigts, la nouvelle ministre des Outre-mer, lorsqu’elle était députée. La raison ? La production d’électricité y dépend très majoritairement du pétrole et du charbon, malgré l’abondant potentiel d’énergies renouvelables, du soleil à la géothermie en passant par la houle. La Guadeloupe et la Martinique figurent aussi parmi les départements français qui connaissent le plus de coupures d’électricité. EDF persiste pourtant à privilégier les investissements dans les énergies les plus polluantes. Seules quelques collectivités locales tentent d’agir. Enquête.
(...) La nouvelle ministre, nommée le 30 août, fera-t-elle mieux que ses prédécesseurs pour améliorer les infrastructures énergétiques et l’accès à l’électricité au sein des départements et régions d’Outre-mer (Drom) ? Il lui sera en tout cas difficile de faire pire. Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte, ces cinq territoires sont tous confrontés à des difficultés persistantes dans l’accès à l’énergie.
Avec le Grenelle de l’environnement, la France s’était engagée à un vaste plan pour l’autonomie énergétique des territoires d’Outre-mer. Le Grenelle prévoyait d’atteindre, dès 2020, 30 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale à Mayotte et 50 % au minimum dans les autres collectivités. Des objectifs affichés ambitieux. En termes de chiffres, la Guyane s’approche du but, mais avec des conséquences désastreuses pour l’environnement. D’autres, comme la Martinique ou Mayotte, en sont bien loin. Et dépendent toujours principalement des sources d’énergie particulièrement polluantes, comme le charbon et le fuel. Un comble pour des territoires très ensoleillées, où le potentiel de géothermie – grâce à l’activité volcanique – et d’énergies marines est également abondant.
Le choix du charbon et du fuel : plus polluant et plus cher (...)
La Guyane fait face à un autre problème : certaines zones ne sont même pas connectées au réseau électrique. Dans les territoires intérieurs, les habitants dépendent de groupes électrogènes. EDF laisse à la charge des communes et collectivité le soin d’assumer elles-mêmes leur production. Pour les communautés les plus isolées, l’approvisionnement en matières premières est même pris en charge par les habitants eux-mêmes, qui sont obligés d’acheter à des prix très élevés du carburant acheminé par bateau le long des fleuves.
EDF continue d’investir dans les énergies fossiles
Dans ce contexte, EDF, seule entreprise habilitée à distribuer l’électricité en Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion et investisseur minoritaire à Mayotte, pourrait saisir la chance des énergies renouvelables pour ses réseaux insulaires. Et bien non. L’entreprise, qui est encore détenue à plus de 80 % par l’État, a fait le choix de « rafraichir » une partie de son parc de centrales thermiques. (...)
EDF n’a pas hésité à enterrer un ambitieux projet caribéen de géothermie. En 2013, sous la présidence d’Henri Proglio, la société à capitaux publics s’est désengagée d’une vaste opération de construction d’une centrale géothermique d’électricité en Dominique, suivi d’un réseau d’interconnexion avec les îles de la Guadeloupe et de Martinique. Dans les îles volcaniques d’Outre-Mer, la géothermie, une chaleur puisée dans les couches profondes de la terre, représente pourtant une alternative prometteuse face aux énergies fossiles.
L’usine géothermique aurait permis de couvrir les besoins électriques de la Dominique et 20 % de la consommation dans ses voisines françaises. Voilà l’occasion de réduire la dépendance aux énergies fossiles dans les Antilles. (...)
Électricité de houle, climatisation marine ou biomasse de canne à sucre
Certaines initiatives menées dans ces zones insulaires laissent pourtant entrevoir de vraies solutions pour une production d’énergie plus verte et moins onéreuse. Plusieurs fermes éoliennes ont été montés et connectées aux réseaux. Les équipements photovoltaïques des quatre départements de la Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane cumulaient une puissance de 330 MW début 2014. La Réunion a choisi de miser sur sa ressource marine : houle, énergie thermique, climatisation marine, osmose... L’île prépare même une première mondiale, un système d’utilisation directe des eaux froides des grandes profondeurs pour alimenter un réseau écologique de climatisation. Opérationnel en 2017, il devrait permettre de réaliser 75 % d’économie sur l’électricité consommée par les systèmes de climatisation classique (...)
Autre projet : une centrale d’électricité thermique maritime au large de la ville du Port. Selon l’Ademe, « une centrale d’énergie thermique des mers de 10 MW permet d’économiser en moyenne 1,97 million de tonnes de CO2 sur sa durée de vie par rapport à une centrale thermique fonctionnant aux énergies fossiles ». L’agence gouvernementale cherche à développer cette technologie sur la France entière et vise la construction de 25 centrales d’ici 2030. La construction d’« houlomoteurs » — d’énormes bouées qui, sous l’effet de la houle, actionnent un piston puis une turbine pour produire de l’électricité — sont aussi à l’étude. (...)
À Marie-Galante, petite île au sud de la Guadeloupe, les habitants se sont fortement impliqués pour concrétiser un projet de centrale biomasse. Mise en réseau avec les deux fermes éoliennes que comptait déjà l’île, l’énergie totale produite serait portée à un total avoisinant les 20 MW, bien plus que la consommation de ce territoire d’environ 12 000 habitants. Mais la Guadeloupe ne se tourne pas toujours vers des projets aussi vertueux. Si la collectivité a bien pris conscience de la ressource énergétique que représente la bagasse, le résidu fibreux de la canne à sucre, le choix a été fait, sur la centrale de Le Moule, de l’associer au charbon plutôt qu’à une matière renouvelable comme le bois.
EDF mise avant tout sur les grands barrages (...)