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Aux Etats-Unis, les diabétiques ont créé un marché noir gratuit de l’insuline
Article mis en ligne le 3 février 2020

Il existe, dans le pays le plus prospère de la planète, des gens ni riches ni pauvres qui se retrouvent sur des parkings pour s’échanger de l’insuline, un vieux médicament aussi vital pour eux que l’oxygène mais hors de prix en pharmacie.

(...) Abigail donne, reçoit et troque ainsi de l’insuline dans un réseau informel de dizaines de diabétiques qui se passent des numéros et se contactent sur Facebook. La quasi-totalité des médicaments vient des stocks non-utilisés de diabétiques morts, donnés par leurs proches.

Pour les rivaux démocrates de Donald Trump, en campagne pour les primaires qui commencent lundi dans l’Iowa, il y a peu de scandales pires que celui du prix de l’insuline, symbole de l’inégalité du système de santé.

"Nous ne sommes pas pauvres", dit pourtant Abigail. Son mari travaille et a créé sa micro-entreprise. Le couple habite une maison, Abigail a sa voiture, des chiens, des lapins.

L’employeur du mari ne subventionne pas de couverture médicale. Pas assez pauvre pour avoir une assurance publique, ni assez riche pour acheter une assurance au tarif plein, le couple a renoncé en janvier, en priant qu’aucun gros pépin n’adviendra.

"Toute ma vie adulte, je me suis rationnée en insuline", confie Abigail, 29 ans, dans son salon bien chauffé.

Il y a quelques années, quand elle reçu sa pompe à insuline après une bataille avec son assurance d’alors, elle dit qu’elle a pleuré de joie. (...)

A Minneapolis, si Abigail est dealer, Nicole Smith-Holt est grossiste. Dans son sous-sol, elle ouvre son second réfrigérateur et dévoile des dizaines de boîtes d’insuline. Avec un stock de seringues, de bandelettes et d’appareils pour mesurer le glucose, il y en a peut-être pour 50.000 dollars, selon elle.

"C’est strictement illégal, dit-elle.

 Alors pourquoi le faites-vous ?

 Parce que je sauve des vies."

Elle en sourirait presque si ce n’était tragique. "Nous n’avons pas besoin d’un autre Alec", lâche-t-elle.

Alec Raeshawn Smith, mort chez lui le 27 juin 2017 ; son fils.

"Il n’y avait plus une goutte d’insuline dans son appartement", raconte la mère de quatre enfants, en comptant Alec. (...)
Sa mère est persuadée qu’il n’a pu débourser les 1.300 dollars demandés par le pharmacien quelques jours avant sa mort.

Il aura tenu 27 jours sans assurance. Cause du décès : acidocétose diabétique, due à un manque d’insuline. (...)

La mort de son fils, qui était papa, l’a transformée en militante, un jour à la télévision, l’autre chez les élus locaux ou devant le siège d’un grand laboratoire. Les diabétiques du coin peuvent la contacter sur Facebook, elle répond très vite. (...)

Contrairement aux Etats-Unis, le Canada plafonne le prix de l’insuline. Tous les trois ou quatre mois, seul ou avec d’autres, Travis Paulson, 47 ans, conduit deux heures d’Eveleth à Fort Frances (Ontario), de l’autre côté de la rivière à la Pluie, et achète son insuline sans ordonnance. Les agents frontaliers ne l’embêtent jamais, tant que les doses ne dépassent pas trois mois.

Son assurance est excellente pour le remboursement des visites chez le médecin mais ne couvre que 50% du prix des médicaments. (...)

"C’est la cupidité pharmaceutique, c’est tout".

Sur son réfrigérateur, un autocollant Bernie Sanders rappelle la révolution promise par le candidat socialiste, qui entend diviser par deux le prix des médicaments. Mais même cela ne suffira peut-être pas à remplacer les voyages au Canada.